par Anne-Claire SOULAGES.
L'intérêt de ce volume de la carte archéologique de la Gaule est de montrer l'existence d'une documentation archéologique difficile à répertorier. L'histoire du Lodévois de l'âge du Fer à la fin du Haut Moyen-Age va donner de nombreuses pistes, que chaque chercheur, chaque passionné, sera en mesure de consulter.
L'arrondissement de Lodève est situé dans un secteur de contact entre plusieurs unités géologiques différentes ; on trouve ainsi plusieurs « pays », aux caractéristiques paysagères différentes mais chacunes homogènes. Le plateau des causses du Larzac est caractéristique de par sa karstification ; l'Escandorgue s'identifie par son volcanisme noir ; les monts d'Orb et la Montagne Noire, malgré une lithologie très différenciée, montrent un paysage homogène de montagnes boisées ; Lodève et le Salagou sont faits de dépressions de couleurs violacées issues du travail érosif de la Lergue et des ses affluents, alors que la large vallée alluviale de la moyenne vallée de l'Hérault montre un bel étagement de terrasses et fait la transition entre les secteurs élevés du Lodévois et le littoral du bas Languedoc.
Le secteur étudié est drainé par deux fleuves côtiers, l'Orb, qui prend sa source dans les causses du Larzac et qui se jette 145 kilomètres plus loin à Valras, et l'Hérault, prenant naissance au sud du mont Aigoual, et qui se déverse dans la mer au grau d'Agde après une course de 160 kilomètres. Par ailleurs, on trouve d'autres fleuves plus à l'intérieur des terres, comme la Lergue, la Dourbie ou la Boyne.
L'historiographie la plus ancienne suggère que la région lodèvoise est pauvre en vestiges archéologiques. C'est au début du XIXe siècle que débute la recherche archéologique dans cette micro région, avec M. Mazel qui rédige une notice en commentant le passage de Pline faisant mention de Luteva, ou encore un peu plus tard avec l'abbé Léon Vinas, inspecteur de la Société Française d'archéologie, chargé par Arcisse de Caumont d'organiser des Assises de la Narbonnaise occidentale. L'absence de fouilles ou de découvertes spectaculaires durant cette période fait que l'archéologie du XIXe siècle semble se résumer dans la naissance d'un complexe local vis-à-vis de la brillante voisine Béziers et dans le débat sur le statut antique de la ville de Lodève par rapport à Forum Neronis.
Le XXe siècle voit naître différents ouvrages, variés et inégaux, mais dont l'empreinte générale est marquée de l'étude du Moyen-Age. Il faut attendre les années 1930 pour que l'on engage les toutes premières fouilles, comme à Lascours avec le docteur J. Brunel.
Jusque dans les années 1960, les recherches vont se développer lentement, mais restent le fait d'érudits locaux, travaillant isolément, et donc les recherches n'ont pour la plupart pas été publiées. La décennie suivante, sous l'impulsion de la Fédération Archéologique de l'Hérault née en 1971 et de la Circonscription des Antiquités dirigée par G. Barruol, va progressivement laisser la place à des associations plus structurées et plus dynamiques ; le fait majeur de cette époque sera la préparation de la Carte Archéologique de l'Hérault, dont le premier fascicule consacré au canton de Gignac, dans l'arrondissement de Lodève, sera le seul à paraître, en 1974. Différents programmes de prospections vont naître par la suite, et un premier bilan, dressé en 1993, fait état pour seulement deux des cinq cantons de l'arrondissement de Lodève (Gignac et Clermont l'Hérault) de quelques 153 gisements, dont 123 sont clairement positionnés sur des extraits cadastraux. En outre, notons la fondation de la Société Archéologique et Historique des Hauts Cantons de l'Hérault par Robert Gourdiole et Robert Guiraud, et qui édite dès 1978 une revue annuelle faisant état de la recherche.
A la fin des années 1990, de grands travaux d'aménagement du territoire, comme le passage du gazoduc « artère du Midi » ou la construction de l'autoroute A 75 ont permis le développement de fouilles de plus grande importance, et donc de découvertes.
La vallée de l'Hérault et plus particulièrement le Lodévois sont depuis plusieurs années un terrain de recherches actives portant sur les sociétés qui l'on occupée ; il s'agit donc ici de dresser un panorama rapide des connaissances sur les sociétés de la Préhistoire récente jusqu'au Haut Moyen-Age.
Plusieurs habitats du Néolithique ancien ont été mis à jour, principalement dans la vallée de l'Hérault, mais ils ont rarement fait état de fouilles extensives. Les sites reconnus sont principalement des silos et des fosses contenant du mobilier archéologique, puisque la culture matérielle est principalement composée à l'époque de céramique et d'outil en pierre. Cette céramique, décorée par l'application d'une coquille de cardium et ornée d'impressions obliques, de cordon en résille ou de boutons, se retrouve par ailleurs en France méridionale. Deux autres lots, retrouvés sur des sites à Portiragnes, se distinguent par la composition et la disposition des décors qui ornent les récipients ; ces séries montrent en fait de fortes affinités avec la sphère italique. Par le manque de documentation et par la rareté de site, il semble impossible de faire une approche sitologique de cette période.
Le Néolithique moyen marque l'augmentation des habitats, permettant d'envisager une certaine complémentarité des installations ; on observe l'écrasante majorité des installations de pleins air, en plaine ou en hauteur, mais principalement au contact direct du fleuve, axe naturel qui constitue une voie de pénétration privilégiée vers l'arrière pays contact direct de la vallée de l'Hérault. En outre, nous pouvons noter la découverte de plus d'une trentaine de gisements datables de cette époque.
Le Néolithique final marque dans la vallée de l'Hérault le lancement de la pratique métallurgique ainsi que sa diffusion, comme G. Guilaine a pu le noter dans son étude sur Roquemengarde à Saint Pons de Mauchiens où on été trouvé de nombreux outils en cuivre. Ainsi, cette période semble être avoir faciès culturel à part entière, sans doute lié à une pratique précoce de la métallurgie.
Le Chalcolithique peut être perçu comme la continuité de la période précédente au niveau du manque de documentation et du manque de fouilles ; les seuls éléments connus le sont donc par le biais de prospections de surface et de sondages. Il semblerait que les ensembles sépulcraux de cette période soit plus nombreux que pour la phase précédente, mais l'ancienneté des recherches ne permet pas de détails. L'approche de l'implantation des sites et des relations qu'ils ont pu entretenir entre eux souffre encore du manque de documentation. Il semble donc délicat de proposer un schéma d'organisation spatial des habitats, même si les sites de hauteur paraissent toujours être les plus importants. Plus près de la vallée, les habitats sont plus denses mais de taille moindre, et l'on peut donc voir ici une complémentarité des installations.
Ce rapide panorama nous a donc permit de constater principalement le manque de documentation ; Par ailleurs, il est nécessaire de noter que l'apparition et la généralisation de la pratique métallurgique donnent à l'espace étudié un faciès tout à fait personnel et propre, mais qu'au Chalcolithique, ce dernier semble disparaître au profit d'un faciès plus mixte.
Les fouilles anciennes, prospections de surface et plus récents sondages liés à cette période dans le Lodévois mettent en avant une grande diversité des formes d'habitats, principalement du fait des changements de reliefs et terroirs que l'homme a pu rencontrer. La logique d'implantation de l'époque est caractérisé par trois principes majeurs : la nécessité de se trouver proche d'une voie de communication, l'existence de ressources minières et la présence d'une topographie favorable à l'installation et à la protection d'un habitat. ; Ainsi, pour cette période, 54% des habitats répertoriés se trouvent en plein air et sur des hauteurs, alors que 38% sont des habitats troglodytiques. Les sites de plaine sont totalement absents. De plus, il a été noté que l'occupation des sites connus ne semblait pas durable. L'important essor démographique ainsi que la transition culturelle et économique entre le Bronze et le Fer montrent une société indigène en pleine mutation interne, mais sur laquelle vont rapidement se souder des relations avec les commerçants méditerranéen.
Du début du VIIe siècle à la fin du VIe siècle avant notre ère, la logique d'implantation des sites semble être différente ; on trouve toujours de plus en plus de sites de hauteur, mais les gisements de plaine sont désormais présents. Les populations semblent se regrouper et occuper de préférence les sommets de colline de plus de 200 mètres de hauteur ; en effet, il s'agit d'emplacements privilégiés, au centre de terroirs agricoles complémentaires et en relation directe avec les voies de communication. La fin du VIe siècle avant JC, marquera, comme partout ailleurs en France méridionale la création des oppida, sites perchés, dont les habitants sont sédentaires et exploitent rationnellement un terroir.
Le IVe siècle marque par ailleurs une étape important avec la fondation d'Agathe par les phocéens de Marseille ; les grecs vont alors imposer une restructuration et une réorganisation des terroirs et des habitats. Même si Agde occupe une place stratégique entre Marseille et Emporium et assure un rôle de citadelle militaire et de redistribution tourné vers la mer, elle assure également l'exploitation des productions du Languedoc central, et donc du Lodévois.
Même si peu de fouilles ont été lancée pour cette période, nous la connaissons assez bien grâce à une large documentation. Dans le cadre de l'organisation de la Transalpine et de la mise en valeurs de territoires nouvellement conquis, la région étudiée occupe une place particulière. Au niveau géopolitique, le Lodévois se situe aux confins de trois groupes ethniques, les Ruthènes, les Volques Arécomiques et les Volques Tectosages. Du point de vue économique, le territoire recèle de nombreuses ressources locales, tant minières, pastorales qu'agricoles.
L'occupation du sol et l'économie des piémonts héraultais durant cette période charnière fait apparaître une grande diversité dans les modes d'implantation des sites ainsi qu'une importante variété dans les formes d'habitat, selon la configuration géographique ; en effet, les études menées ont montré que malgré le processus de romanisation, nous trouvons de nombreux changements selon les espaces étudiés, entre plaine lodévoise, bassin de l'Hérault, ou encore plateau du Larzac, longtemps terra quasi incognita pour la période gallo-romaine. La gestion des activités économiques déjà mises en place par les indigènes, comme la culture de céréales ou le pastoralisme, la mise en valeur de nouvelles terres et l'implantation de cultures spéculatives comme la viticulture et l'oléiculture, l'exploitation de ressources ayant un caractère stratégique comme le cuivre ou l'argent, et enfin l'utilisation de potentialités locales avec les carrières de gré ou de basalte, sont autant d'attitudes politiques ou économiques qui sont à l'origine des sites décelés lors de fouilles pour cette époque donnée.
En ce qui concerne les ressources minières du pays lodévois, nous pouvons trouver un important intérêt aux confins de la Montagne Noire. L'importance donnée par Rome aux métaux a dû sensiblement permettre à ces espaces éloignés de gagner en puissance. Le problème semble de savoir pour quelle raison l'on est venu chercher ici, aux confins de la province, les métaux qui donnaient à Rome la maîtrise de l'Occident. Différentes possibilités s'offrent à nous ; tout d'abord, les mines des Balkans et de Grèce semble avoir été épuisées à cette époque, mais n'était ce pas tout simplement pour préserver les mines romaines ou encore se méfier t-on du peuple qui travailler en Espagne ou en Italie du Nord. En fait, ces trois raisons peuvent expliquer la décision prise par le Sénat romain de fermer les mines romaines et d'utiliser celles de territoires nouvellement conquis, prenant une amplitude extraordinaire dans l'activité minière et métallurgique du Ier siècle avant JC.
La région de Lodève a bénéficié de travaux de recensement de ces gisements de cuivre et de plomb argentifères, et qui permettent par ailleurs de mesurer l'impact minier sur le territoire de Luteva-Forum Neronis.
Outre l'extraction de plomb et de cuivre, nous pouvons noter sur le territoire de Lodève des gisements de cuivre gris et de galène dans la haute vallée de l'Orb, dès le début de notre ère, ainsi que de quartz comme à Maynes sur la commune d'Avène où un dyke a été mis en relief par l'érosion. Sur ce territoire aux confins du département ont été exploités dès l'Antiquité plus d'une dizaine de sites, dont le mieux connu semble être celui de Lascours, sur la commune de Ceilhes et Rocozels (voir plan en fin de document)
Cette agglomération minière semble unique dans la région ; elle a été le sujet de fouilles dès 1938-1939 avec le docteur Brunel, puis a repris de 1967 à 1978 et a continué de 1983 à 1986. Occupée sur plus d'un siècle et demi, l'analyse de l'urbanisme montre la superposition de murs d'orientations divergentes. L'agglomération s'étendait en bas de pente, sur un terrain accidenté orienté nord sud, prés du ruisseau qui drainait la vallée, se jetant lui-même dans l'Orb. Une rue principale, ancienne, de 4,6 mètres de large au franchissement du village, remontait la combe. Du fait de sa situation en fond de vallée, le village disposait d'un système pluvial très sérieux, avec une terrasse au centre du village, elle-même dotée en sous sol d'un caniveau relié à deux conduits secondaires. Le cur monumental du village a été identifié, mais c'est surtout le petit complexe thermal qui appelle à interrogations. Selon les dimensions faibles (5, 40 x 4, 75 m), il s'agirait d'un complexe privé. Le sol reposait sur une suspensura à hypocauste à canaux, comme ceux installés sous les thermes républicains de Pompéi. Actuellement, les thermes de Lascours sont les plus anciens connus pour la Transalpine avec ceux d'Antibes. D'autres découvertes appuient l'hypothèse de l'installation d'Italiens dans cette agglomération, comme l'importance de céramiques importées.
Dans la partie Ouest du village, deux constructions circulaires énigmatiques furent dégagées ; ce sont des édifices soignés de moins de trois mètres de diamètre, datant certainement de la phase d'occupation ancienne ; ils seraient peut être des magasins pour stocker des biens précieux. La vaste terrasse, d'au moins 150m2 a été découverte en 1984 ; conçue et étudiée avec soin, cet espace de travail semble encore mal connu dans le rôle qu'il tenait. Les trouvailles les plus significatives concernent des disques de 2 à 3 cm de diamètre et une trentaine de tessères, qui constitueraient les sceaux d'une entreprise privée anonyme : la société des mines d'argent du pays rutène.
En ce qui concerne les techniques minières, des lampes en terre cuite fournissaient l'éclairage nécessaire pour travailler dans des puits et galeries d'une topographie générale très irrégulière ; seule la mine du col de la Moutoune, dans la haute vallée de l'Orb, offre des puits verticaux et des galeries horizontales. Les outils utilisés par les mineurs antiques sont connus pour la plupart.
La mise en place de sociétés comme on a pu en déceler à Lascours s'est effectuée par le développement des campagnes militaires et l'extension internationale qui s'en suivit, poussant de nombreux Italiens à chercher fortune hors d'Italie. Le droit romain avait prévu pour eux des sortes d'associations privées, les societates, à but lucratif, temporaires et qui semblent apparaître au IIe siècle avant JC et se raréfier dès le début de l'Empire ; chaque actionnaire était responsable de son patrimoine. La société rutène est un nouvel exemple de ce système bien connu en Espagne ; son quartier général semble se trouver à Lascours selon les tessères découvertes in situ. La raison sociale de l'entreprise localisée dans la haute vallée de l'Orb est difficile à expliquer de même que la présence d'Italiens dans ce territoire de confins. Il semblerait que la cause en soit les guerres sertoriennes, entre Pompée et Sertorius, et de ce fait la domination d'une partie du pays rutène. La frontière nord de la province a donc constitué un enjeu minier majeur, du fait de l'importance de la maîtrise des matériaux dans l'expansion romaine vers l'Occident.
Au niveau de l'habitat, c'est dans le secteur de Gignac que vont apparaîtrent dans la première moitié du IIe siècle avant JC deux établissements ruraux indigènes, installés dans une zone de coteaux ; cela marque les débuts d'un phénomène de dispersion de l'habitat commun au Languedoc occidental et au Roussillon. Il s'agirait là d'un peuplement mixte, associant des indigènes certainement majoritaires, et peut être aussi des Italiens. Le statut des indigènes a pu être très divers, promus ou non à la citoyenneté romaine. Mal connus, ces établissements semblent faire appel à des techniques de construction rudimentaires et couvrent souvent de petites superficies de moins de 500 m2 ; la villa antique des Près Bas à Loupian, située à moins de vingt kilomètres au sud-est, offre un exemple intéressant de structures de cette période en partie détruites, et recouvertes au Haut Empire. Cette genèse d'établissement a dû permettre à ces domaines de s'implanter solidement, mais les deux exemples de fermes préromaines ont rapidement disparues.
Après la conquête de 118 avant JC, la mise en valeur de cet espace se poursuit tout au long du Haut Empire, puisque le nombre de sites ne cesse d'augmenter ; cela semble correspondre à une stabilisation politique et économique du Biterrois qui devient rapidement une zone très attractive du fait de ses nombreuses ressources agricoles, et du fait d'une période favorable d'intense activité marchande, sur route et sur fleuve. Pourtant, malgré cela, nous trouvons peu d'établissements ruraux, des villae, dans le lodévois, et les rares connus sont de taille très moyenne. Par la suite va apparaître une franche période de transition avec la chute du nombre de sites occupés, peut être du fait de la diminution de la consommation des vins produits dans la région.
Il semblerait que cette période soit particulièrement pauvre dans le Lodèvois ; le manque de documentation, les nombreuses crises et l'abandon de sites de la phase précédente en montrent l'ampleur. Pourtant, à coté de cela, la fin du IVe et le début du Ve siècles semblent marqués par un nouveau dynamisme au niveau de la réoccupation de sites plus anciens, et de la création de nouveaux habitats, perchés ou non, mais en général de dimensions modestes. Au regard de cette situation, les très vastes sites signalés par S. Pret sur le plateau du Larzac paraissent bien surprenants. Les nécropoles et premiers sanctuaires chrétiens de notre zone sont mal connus et font état de nombreuses lacunes, de même que la céramique ou encore la sculpture.
Cette période commence à être mieux connue des spécialistes grâce aux progrès récents. La dynamique du peuplement se pose désormais différemment que pour les périodes étudiées jusqu'à lors, du fait de l'importance de la documentation écrite. Le faible poids numérique de l'habitat général des VIIe et VIIIe siècles semble provenir d'une baisse nette de la démographie, alors que localement semblent apparaître de nouveaux foyers de dynamisme agraire micro local du fait de la gestion de ces terroirs par l'Église de Béziers et l'autorité royale ; ces sites plus récents ont été le plus souvent crées en relation étroite avec le réseau viaire. A proximité des gorges de l'Hérault, ce sont les constructions de deux monastères, celui d'Aniane, à la fin du VIIIe siècle, et celui de Gellone, au IXe siècle, qui vont contribuer à ce dynamisme. La plupart des sites mentionnés dans les textes ne sont localisables que par l'intermédiaire d'un toponyme, qui renvoie souvent sur le terrain à des réalités archéologiques plus tardives que celles évoquées dans les chartes ; en effet, les lieux sont bien souvent masqué par des éléments plus récents, comme des fermes, des hameaux ou des villages. En définitive, le meilleur témoignage de ce nouveau dynamisme se ressent principalement dans le grand nombre de constructions d'églises, que l'on peut situer autour d'une vingtaine dans le secteur à cette époque, alors que le nombre d'habitat reste faiblement connu étant donné sa dispersion.
Le Xe siècle en Languedoc semble mieux fourni du point de vue documentaire, et donc, nous pouvons désormais grâce aux sources écrites établir un réseau d'une trentaine d'église et d'une soixantaine de villae. La pression démographique devenant de plus en plus forte, on comprend aisément la nécessité de telles infrastructures, qui vont finalement être les grandes lignes de la future organisation de l'espace rural du pays lodévois. Ainsi, il a été établi que les églises et les cimetières, protégés par la nouvelle législation, constituent une terre d'asile pour le monde paysan en proie aux violences châtelaines, et que dès lors, les habitats vont se regrouper autour afin de lutter face à ces violences, jusqu'à la construction de véritables forteresses, castra ou simples tours.
Bien que des tracés romains, voire médiévaux, aient fait l'objet d'études et d'analyses, c'est principalement le réseau de voies préhistoriques ou de l'âge du Bronze qui permet la connaissance de réseaux. Tout d'abord, c'est la vallée de l'Hérault, l'Auraris des Anciens, qui constitue un linéament exceptionnel, puisque, comme nous l'avons dit plus haut, long de 120 kilomètres entre littoral et Cévennes. La voie située sur la rive droite du fleuve semble être la plus rapide pour rejoindre Lodève, Luteva, donc le nom gaulois signifie « boue », en venant de la mer .
Mais ce sont aussi les affluents qui constituent des voies naturelles de communication. De nombreux itinéraires ont été ainsi reconnus.
Le franchissement du fleuve pouvait se faire en plusieurs endroits, comme au pont dit du Diable, qui pourrait avoir succédé à un ouvrage romain, et serait, vu le resserrement des gorges, un point de passage idéal. Le pont de franchissement principal semble avoir été un ouvrage en amont du pont actuel de Gignac, dont une arche était encore visible en 1723.
D'autres vois secondaires de moindre importance ont été mises à jour, comme celle de Lodève au Vigan, ou celle partant d'Agde vers le nord par la rive gauche de l'Hérault.
La première constatation vient du fait de la constance du phénomène de regroupement des populations, par le biais de raisons climatiques, anthropiques, ou bien par l'arrivée de nouvelles populations qui auraient influencées toutes les pratiques indigènes. Par ailleurs, la pression commerciale massaliote a pu également influencer les pratiques, dans leur fonctionnement comme dans la production. L'oppidum serait alors né de cette volonté de mieux gérer le terroir, de protéger et gérer les stocks, d'organiser les voies de communication et d'en protéger les flux. Il tient une place privilégiée du point de vue géographique, au cur des ressources à extraire, en liaison directe avec la vallée et en présence de terroirs complémentaires.
Dans le cadre du réseau de la vallée de l'Hérault, les oppida forment de petites agglomérations, unités villageoises qui ont participé aux échanges avec les colons romains, alors que Lodève semble être à l'origine un relais ou un marché, entre Agde et Millau. C'est avec la perte d'indépendance d'Agde que le bassin de l'Hérault sera découpé en trois civitates, Béziers, Nîmes et Lodève, et occupé par au moins deux oppida latina, Piscenae et Cessero. La nomination de Lodève à ce rang semble être dû à la volonté d'exploiter les richesses minières locales et de verrouiller la voie vers le pays rutène. Elle sera la plus petite cité, à l'Ouest du Rhône, dès l'organisation de la province de Narbonnaise.
Les années 420 à 780 marque le territoire lodévois en zone de confins entre royaume mérovingien et wisigothique, alors que l'Eglise de Lodève semble décapité en 683. Pourtant, cette dernière avait bénéficié d'un destin fort original puisque dès le Ve siècle se trouvait en place un siège épiscopal ; le premier évêque connu, Maternus, apparaît en 506, mais on ne connaît rien de la première cathédrale.
En ce qui concerne l'habitat, bien peu de villae ont été répertoriées, et elles se situent principalement dans le bassin médian de l'Hérault, en relation avec un réseau d'habitat de taille moyenne. Ainsi, nous pouvons nous interroger sur la puissance et la richesse réelle de l'aristocratie lodévoise.
Dans le dernier tiers du Ve siècle, la cité épiscopale de Lodève est rattachée au royaume wisigothique de Toulouse, et c'est à cette période qu'elle réapparaît indirectement dans les sources écrites.
Au VI e siècle, l'espace politique du lodévois semble être un secteur de confins entre les deux royaumes wisigothique et franc, mais également entre la vieille façade urbaine du littoral biterrois fortement romanisé et l'arrière pays montagnard, entre Cévennes et Causses, marqué par la faiblesse du réseau urbain et la plus forte pénétration des Francs. Espace marginalisé entre les vastes territoires des cités de Nîmes et de Béziers, la micro région de Lodève ne semble plus guère maîtrisée politiquement en ce VIe siècle. Ceux qui vont suivre ne feront qu'étayer l'idée de faiblesse de la région de Lodève.
Le renouveau se situe au IXe siècle, avec la nomination d'un nouvel évêque et la composition de biens destinés à l'Eglise ; ceux-ci se répartissent principalement dans les vallées boisées qui bordent la cité, au pied du causse du Larzac. Nous pouvons également noter une belle masse de terres fiscales, dotées de deux églises, de colonges, moulins, villae et villare, ainsi que l'implantation, légèrement antérieure au IXe siècles des deux monastères d'Aniane et de Gellone. Ces deux établissements apparaissent comme des maisons spirituelles, entourées de la sollicitude royale, mais aussi comme des relais de la domination des Francs dans un pays nouvellement conquis. Implantés aux confins de plusieurs pagi, en retrait des centres traditionnels du pouvoir où l'aristocratie locale conserve les sièges épiscopaux et même les charges comtales, ces deux établissements à la fois en relation et en concurence semblent avoir servi à asseoir la domination des premiers souverains carolingiens, Aniane ayant été fondé par un wisigoth, et Gellone par un Franc.
Tout au long du Xe siècle, les frontières du pagus vont se structurer, alors que le découpage politique interne n'est évoqué dans la documentation écrite qu'à partir du début du XIe siècle ; par exemple, l'espace septentrional semble alors divisé en cellules de base du monde rural, des « vallées », différemment des villae en plaine. Le Xe siècle voit également l'arrivée au pouvoir ecclésiastique de l'évêque Fulcran, auquel nous devons la restauration, sinon la reconstruction, de l'ancienne cathédrale Saint Genès, devenue aujourd'hui Saint Fulcran. L'Eglise lodèvoise perçoit à ce moment là un legs d'une très grande importance, et gère une vingtaine d'églises et villae, des pôles fortifiés qui semblent indiquer une clientèle également guerrière, ainsi que des zones situées en montagne, aux confins du Larzac, sur le piémont aux abords de la cité et dans le bassin moyen de la Lergue.
Alors que le pouvoir vicomtal s'efface et que le pouvoir laïc se resserre en micro régions et dominations châtelaines, l'élévation du corps de Guilhem et le brillant pontificat de Fulcran impriment les nouvelles destinées de l'histoire médiévale du pays lodévois des XIe et XIIe siècles.
COMPTE RENDU DE LECTURE DE LA CARTE ARCHÉOLOGIQUE DE LA GAULE ARRONDISSEMENT DE LODÈVE Dominique GARCIA Laurent SCHNEIDER Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Ministère de la Culture, Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Diffusion : Fondation Maison des Sciences de l'Homme
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Dernière mise à jour en novembre 2024 par Benoît et Rémi SOULAGE.
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